Qu'est-ce que l'analyse de risques ?
L'analyse de risques est une démarche structurée permettant d'identifier, d'évaluer et de hiérarchiser les menaces pesant sur le système d'information d'une organisation. Elle constitue le fondement d'une stratégie de sécurité efficace en permettant d'allouer les ressources aux risques les plus critiques.
Cette approche méthodique aide à prendre des décisions éclairées sur les investissements sécurité et les mesures de protection à déployer.
Concepts fondamentaux
Un actif (asset) est toute ressource de valeur pour l'organisation : données, systèmes, applications, processus métier ou réputation. La menace est un événement potentiel pouvant causer un dommage : cyberattaque, erreur humaine, catastrophe naturelle ou panne.
La vulnérabilité est une faiblesse exploitable par une menace. Le risque représente la combinaison de la probabilité qu'une menace exploite une vulnérabilité et de l'impact résultant.
La formule générale est : Risque = Menace × Vulnérabilité × Impact. L'objectif est de ramener les risques à un niveau acceptable.
Étapes de l'analyse de risques
L'identification des actifs recense et valorise tous les éléments critiques du système d'information. Cette cartographie précise ce qui doit être protégé et établit une hiérarchie d'importance.
L'identification des menaces liste les dangers potentiels selon différentes catégories : malveillance (hackers, malwares), accidentelles (erreurs, pannes) ou environnementales (incendies, inondations).
L'identification des vulnérabilités révèle les failles techniques, organisationnelles ou humaines. L'évaluation de la vraisemblance estime la probabilité de réalisation de chaque scénario de risque.
L'évaluation de l'impact quantifie les conséquences potentielles : financières, opérationnelles, réglementaires, réputationnelles. La hiérarchisation classe les risques selon leur criticité pour prioriser les actions.
Méthodologies françaises
La méthode EBIOS Risk Manager (Expression des Besoins et Identification des Objectifs de Sécurité) développée par l'ANSSI est la référence en France. Elle adopte une approche par scénarios centrée sur les objectifs de l'attaquant.
EBIOS RM comporte 5 ateliers : cadrage et socle de sécurité, sources de risque, scénarios stratégiques, scénarios opérationnels, et traitement du risque. Cette méthode est particulièrement adaptée aux Opérateurs d'Importance Vitale (OIV).
La méthode MEHARI (MEthode Harmonisée d'Analyse de RIsques) du CLUSIF offre une approche complémentaire avec des bases de connaissances détaillées.
Méthodologies internationales
La norme ISO/IEC 27005 fournit des lignes directrices pour la gestion des risques liés à la sécurité de l'information, s'intégrant au système de management ISO 27001.
Le framework NIST Cybersecurity Framework (CSF) structure l'analyse autour de 5 fonctions : Identifier, Protéger, Détecter, Répondre et Récupérer. La méthode FAIR (Factor Analysis of Information Risk) quantifie financièrement les risques.
Le framework OCTAVE (Operationally Critical Threat, Asset, and Vulnerability Evaluation) adopte une approche orientée business et auto-évaluation.
Évaluation qualitative vs quantitative
L'approche qualitative utilise des échelles descriptives (faible, moyen, élevé) et des matrices de risques. Plus simple à mettre en œuvre, elle repose sur l'expertise et le jugement.
L'approche quantitative assigne des valeurs numériques : probabilités en pourcentage, impacts en euros. Elle permet des calculs précis (SLE - Single Loss Expectancy, ALE - Annual Loss Expectancy) mais nécessite des données fiables.
La plupart des organisations adoptent une approche hybride, combinant l'expertise qualitative avec une quantification des risques majeurs.
Traitement des risques
L'évitement consiste à éliminer le risque en cessant l'activité concernée. Rarement possible mais parfois nécessaire pour des risques inacceptables.
L'atténuation (ou réduction) déploie des mesures de sécurité pour diminuer la probabilité ou l'impact. C'est la stratégie la plus courante : pare-feu, chiffrement, formation, sauvegardes.
Le transfert partage le risque avec un tiers via assurance cyber, externalisation ou clauses contractuelles. L'acceptation conserve le risque résiduel lorsque son niveau est jugé acceptable et que le coût de mitigation serait disproportionné.
Matrice de risques
La matrice croise la probabilité (axe vertical) et l'impact (axe horizontal) pour visualiser et prioriser les risques. Les zones sont généralement colorées : rouge (critique), orange (élevé), jaune (moyen), vert (faible).
Les seuils d'acceptabilité définissent la limite au-delà de laquelle un risque nécessite un traitement. Ces seuils reflètent l'appétence au risque de l'organisation, variant selon les secteurs d'activité.
Risque résiduel et surveillance
Après déploiement des mesures de sécurité, le risque résiduel persiste. Il doit être évalué, documenté et accepté formellement par la direction. Aucune sécurité n'est absolue.
La surveillance continue réévalue régulièrement les risques car l'environnement évolue : nouvelles menaces, changements organisationnels, évolution du système d'information. L'analyse de risques est un processus itératif, pas un exercice ponctuel.
Rôles et responsabilités
Le RSSI pilote généralement la démarche d'analyse de risques et coordonne les acteurs. Les métiers apportent l'expertise sur les processus critiques et évaluent les impacts business.
L'IT fournit l'inventaire technique et identifie les vulnérabilités. La direction valide l'appétence au risque, les investissements et accepte les risques résiduels. Cette approche collaborative garantit la pertinence et l'appropriation.
Documentation et conformité
Le registre des risques centralise tous les risques identifiés avec leur évaluation, traitement et responsable. Le plan de traitement détaille les actions de mitigation, échéances et budgets.
Ces documents démontrent la conformité aux exigences réglementaires (RGPD, NIS, sectorielles) et certifications (ISO 27001). Ils constituent également une protection en cas d'incident pour prouver la diligence raisonnable.
L'analyse de risques transforme la cybersécurité d'une approche réactive en stratégie proactive, optimisant les investissements pour protéger ce qui compte vraiment.